2008年5月29日 星期四

童年敘事專題-選文分析(四)

童年敘事專題-選文分析(四)





4. 阿哈貢,《我從未學過寫字》:寫作樂趣

(Louis Aragon, Je n’ai jamais appris à écrire ou les incipit. Genève : Skira, Paris : Flammarion, 1969, p.5-9)




 



Ce que je sais le mieux, c’est mon commencement.

 



Racine. Les Plaideurs

 





  Ce commencement de moi... j’ai très vite appris à lire, au sens enfantin qu’on donne à ce verbe. C’est-à-dire reconnaître les lettres, les associer, démêler les mots, en sortir un sens, prendre conscience de la chose écrite, pouvoir l’énoncer à mon propre étonnement. Mais quand on me mit un crayon dans les doigts, et qu’on entreprit m’enseigner comment le tenir, en tracer des signes séparés et tout ce qui s’en suit, j’eus une espèce de révolte. Je refusais d’entendre la signification de ces exercices, je n’arrivais pas à me faire à l’idée que, puisque je lisais, difficilement encore il est vrai, des caractères formés par quelqu’un, avec une certaine fierté par exemple de reconnaître le lion dans quatre lettres liées, il allait de soi que je devais m’appliquer à répondre à l’écrit par l’écrit, à écrire moi-même. On avait beau s’attacher à me l’expliquer, je ne voyais là rien de raisonnable, puisque je pouvais parler, crier le mot LION, et même imiter le lion par le geste, le grognement, et la fureur, comme je l’avais vu une fois au Jardin d’Acclimatation. Mais l’écrire, pourquoi faire ? puisque je le savais déjà.

  C’était là le plus grand obstacle que ceux qui voulurent m’enseigner l’écriture trouvaient sur leur chemin. Un obstacle quasi insurmontable, tel était mon acharnement. Et je trouvais ces gens stupides, lesquels n’entendaient pas ce que je leur disais, qui me paraissait l’évidence, je cassais mon crayon ou je le jetais par la fenêtre. Enfin on y renonça, ma mère disait que c’était affreux, un enfant qui ne saurait jamais écrire. Moi, je m’en passais. Je dictais ce qui me traversait la tête à ces deux tantes que j’avais, et je constatais qu’après, leur gribouillis restituait pour d’autres yeux ce que j’avais dit, très exactement. Si bien que la parole dite me paraissait fort suffisante.

  Quand on eut renoncé à me voir écrire, cela me donna de longues heures pour moi tout seul, dans le mépris où l’on m’abandonnait avec quelque tristesse. J’en profitai pour réfléchir, et dire à voix haute ce que je pensais, quand personne n’était à portée de m’entendre. Il m’en souvient, je m’émerveillais, remarquant l’identité de ce que j’avais voulu dire et de ce que je disais, et cela me rendit encore plus dédaigneux d’écrire. Tout de même, à me parler ainsi, je pris l’habitude de me poser des questions et d’y donner des réponses. Parfois bizarres, et je pris goût à leur bizarrerie. Parce que, je vous le demande, pourquoi se répondre ce qu’on savait avant de le dire ? C’est ainsi que me vint l’idée d’inventer mes réponses, de toute pièce. Je pouvais bien avoir six ans, ou pas encore.

  Ainsi que me vint aussi à l’esprit un certain mépris de mes tantes pour leur fidélité à reproduire ce que je leur disais, au lieu d’écrire autre chose, comme je l’aurais sûrement fait à leur place, si j’avais su écrire. Par exemple, si je leur dictais que ce matin-là on avait perdu le petit châle blanc de ma grand’mère, ces sottes n’auraient jamais imaginé d’écrire le petit châle rouge ou le grand châle vert... non, elles ne voyaient pas plus loin que le bout de ma langue. Un beau jour, l’idée me vint que, si je savais écrire, je pourrais dire autre chose que ce que je pensais, et je me mis à essayer de le faire, avec tout ce qui s’était fixé dans ma mémoire, des lettres, des syllabes, des mots. Si bien que je fis en très peu de temps de grands progrès, parce qu’on ne me tenait plus le main, que j’employais mon crayon à ce qui me passait par la cervelle, intercalant des bonshommes entre les lettres, ou des poissons, des cerfs-volants tenus au bout des mots par un grand fil zigzagant. Évidemment si de tels exercices étaient tombés sous les yeux de quelqu’un, de mes tantes, ça leur aurait fait hausser les épaules, on n’aurait pas su me lire, et j’en éprouvais, non pas du dépit, mais, au contraire, de la fierté. Peu à peu, je me mis à me persuader que l’écriture n’avait pas du tout été inventée pour ce que les grandes personnes prétendaient, à quoi parler suffit, mais pour fixer, bien plutôt que des idées pour les autres, des choses pour soi. Des secrets. Le jour où cela me vint à l’esprit, j’en fus si frappé que je me mis à tenter d’écrire, en cachette, sur n’importe quoi, le papier, les murs, avec une passion violente. On m’en tira les oreilles, on m’en flanqua des giffles, rien n’y fit. Et quand on me demandait : « Mais enfin, qu’est-ce que ces gribouillages, dont tu salis tout, les nappes, les cabinets qu’on vient de repeindre, l’intérieur des placards, enfin c’est infernal ! » Moi, je continuais de plus belle. Je jouais aux secrets, voilà ce que personne ne pouvait savoir. Et c’était un jeu qui m’enflammait, d’abord parce qu’il me forçait à avoir des secrets. Puis à leur donner forme, comme si j’avais un correspondant, un ami, qui seul pouvait les comprendre, mes griffouillis(1). Qui, seul, aurait pu me répondre, par ce même moyen. Enfin, c’est pour cet ami-là que je me pris à faire des progrès dans l’art de tracer des signes, que je montrais aux miroirs, où un autre moi-même faisait semblant de les lire. Un beau jour, mon oncle, que je détestais à cause de ses moustaches, me chipa un papier que j’avais noirci et s’écria : « Mais cet enfant écrit ! Quand a-t-il appris à le faire ? »

  Ce que j’écrivais, comme je l’écrivais, ce qu’on pouvait en déchiffrer, bon, tout cela sans doute... Mais enfin, quand j’y repense, il n’en reste pas moins que j’avais commencé d’écrire, et cela pour fixer les « secrets » que j’aurais pu oublier. Et même plus que pour les fixer, pour les susciter, pour provoquer des secrets à écrire. Bien sûr, je ne me formulais pas la chose tout à fait comme ça, et c’est bien plus tard que je le compris, ce ne peut être que bien plus tard... mais alors en tout cas je me persuadai que j’avais commencé de le comprendre dès l’âge le plus tendre, si bien qu’aujourd’hui même je le crois. Je crois encore qu’on pense à partir de ce qu’on écrit, et pas le contraire. Tout au moins les gens de ma sorte, même s’il en est d’autres qui font des additions ou des soustractions pour savoir ce qu’ils vont être obligés de payer ou de ce qu’ils pourront demander en échange de leur travail. Moi, je ne fais des calculs que pour voir surgir le papier des chiffres, des nombres inattendus, dont le sens m’échappe, mais après quoi je rêve.

  J’écris comme cela des romans.



(1)On dit griffonnages, et j’en suis bien fâché. Mais ma mère disait gribouillis et j’entendais griffouillis, comme le mot démangeaisons que jusqu’à douze ans j’ai écrit démange-des-ongles. Ainsi en va-t-il d’une certaine poésie méconnue du langage. Des « sentiers » de la création des mots.



  在這段選文中,阿哈貢提及他學習寫字的步步歷程:一開頭,他先是抗拒寫字,因被動的書寫在他看來僅是重複已知的認識而已;直到後來,慢慢地,他發現文字具有不必然反映或服從現實的自主性,因而逐漸體會了寫作所能開展的、自由馳騁的心靈世界。這段文字鼓舞人心的地方,正是在於孩童從自身主體的立場出發,不為習字的學習過程所被動宰制,而是以一種類如席勒所定義的遊戲性來掌握寫字的藝術(或技藝),並能自訂遊戲規則,從中獲得實現自我的滿足感。



  阿哈貢從大人的角度回溯,對這段習字歷程記憶的分析,雖然在筆調上不特別帶有任何的學究氣,但是其條理明晰的程度,顯然超乎一般孩童能有的自覺。事實上,我們可以進一步發現這段歷程含蓋著多重意義:一是就語言結構本身來看,小阿哈貢已懂得區別語言作為符號所包含的三個面向,能指(signifiant)、所指(signifié)與指涉對象(référent);二是就語言源起的哲學觀來看,他發現口語並不等於真理的源頭,而書寫的文字也不必然為著服從口語指示,換言之(縱使這樣的聯想有些草率),這豈不等於是在向邏各斯(logos)中心論挑戰,且從中獲得了解放?三是就文學審美觀來看,他發現可以藉文字來編造各種與一般現實所知相悖的奇想,就這點來講,這段描述中的阿哈貢仍帶有曾經超現實主義洗禮過的影響。

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