
6. 沙特,《詞語》:立志當作家
(Jean-Paul Sartre, Les Mots. Paris : Gallimard, 1964, p.126-129)
J’atteignais l’âge où l’on est convenu que les enfants bourgeois donnent les premières marques de leur voacation, on nous avaut fait savoir depuis longtemps que mes cousins Schweitzer, de Guérigny, seraient ingénieurs comme leur père : il n’y avait plus une minute à perdre. Mme Picard voulut être la premier à découvrir le signe que je portais au front. « Ce petit écrira ! » dit-elle avec conviction. Agacée, Louise fit son petit sourire sec ; Blanche Picard se tourna vers elle et répéta sévèrement : « Il écrira ! Il est fait pour écrire. » Ma mère savait que Charles ne m’encourageait guère : elle craignit des complications et me considéra d’un œil myope : « Vous croyez, Blanche ? Vous croyez ? » Mais le soir, comme je bondissais sur mon lit, en chemise, elle me serra fortement les épaules et me dit en souriant : « Mon petit bonhomme écrira ! » Mon grand-père fut informé prudement : on craignait un éclat. Il se contenta de hocher la tête et je l’entendis confier à M. Simonnot, le jeudi suivant, que personne, au soir de la vie, n’assistait sans émotion à l’éveil d’un talent. Il continua d’ignorer mes gribouillages mais, quand ses élèves allemands venaient dîner à la maison, il posait sa main sur mon crâne et répétait, en détachant les syllabes pour ne pas perdre une occasion de leur enseigner des locutions françaises par la méthode directe : « Il a la bosse de la littérature. »
Il ne croyait pas un mot de ce qu’il disait, mais quoi ? Le mal était fait ; à me heurter de front on risquait de l’aggraver : je m’opiniâtrerais peut-être. Karl proclama ma vocation pour garder une chance de m’en détourner. C’était le contraire d’un cynique mais il vieillissait : ses enthousiasmes le fatiguaient ; au fond de sa pensée, dans un froid désert peu visité, je suis sûr qu’on savait à quoi s’en tenir sur moi, sur la famille, sur lui. Un jour que je lisais, couché entre ses pieds, au milieu de ces interminables silences pétrifiés qu’il nous imposait, une idée le traversa, qui lui fit oublier ma présence ; il regarda ma mère avec reproche : « Et s’il se mettait en tête de vivre de sa plume ? » Mon grand-père appréciait Verlaine dont il possédait un choix de poèmes. Mais il croyait l’avoir vu, en 1894, entrer « saoul comme un cochon » dans un mastroquet de la rue Saint-Jacques : cette rencontre l’avait ancré dans le mépris des écrivains professionnels, thaumaturges dérisoires qui demandent un louis d’or pour faire voir la lune et finissent par montrer, pour cent sous, leur derrières. Ma mère prit l’air effrayé mais ne répondit pas : elle savait que Charles avait d’autres vues sur moi. Dans la plupart des lycées, les chaires de langue allemande étaient occupées par des Alsaciens qui avaient opté pour la France et dont on avait voulu récompenser le patriotisme : pris entre deux nations, entre deux langages, ils avaient fait des études irrégulières et leur culture avait des trous ; ils en souffraient ; ils se plaignaient aussi que l’hostilité de leurs collègues les tînt à l’écart de la communauté enseignante. Je serais leur vengeur, je vengerais mon grand-père : petit-fils d’Alsacien, j’étais en même temps Français de France ; Karl me ferait acquérir un savoir universel, je prendrais la voie royale : en ma personne l’Alsace martyre entrerait à l’École normale supérieure, passerait brillamment le concours d’agrégation, deviendrait ce prince : un professeur de lettres. Un soir, il annonça qu’il voulait me parler d’homme à homme, les femmes se retirèrent, il me prit sur ses genoux et m’entretint gravement. J’écrirais, c’était une affaire entendue ; je devais le connaître assez pour ne pas redouter qu’il contrariât mes désirs. Mais il fallait regarder les choses en face, avec lucidité : la littérature ne nourrissait pas. Savais-je que des écrivains fameux étaient morts de faim ? Que d’autres, pour manger, s’étaient vendus ? Si je voulais garder mon indépendance, il convenait de choisir un second métier. Le professorat laissait des loisirs ; les préoccupations des universitaires rejoignent celles des littérateurs : je passerais constamment d’un sacerdoce à l’autre ; je vivrais dans le commerce des grands auteurs ; d’un même mouvement, je révélerais leurs ouvrages à mes élèves et j’y puiserais mon inspiration. Je me distrairais de ma solitude provinciale en composant des poèmes, une traduction d’Horace en vers blancs, je donnerais aux journaux locaux de courts billets littéraires, à la Revue pédagogique un essai brillant sur l’enseignement du grec, un autre sur la psychologie des adolescents ; à ma mort on trouverait des inédits dans mes tiroirs, une méditation sur la mer, une comédie en un acte, quelque pages érudites et sensibles sur les monuments d’Aurillac, de quoi faire une plaquette qui serait publiée par les soins de mes anciens élèves.
Depuis quelque temps, quand mon grand-père s’extasiait sur mes vertus, je restais de glace ; la voix qui tremblait d’amour en m’appelant « cadeau du Ciel », je feignais encore de l’écouter mais j’avais fini par ne plus l’entendre.
延續上段選文的情節發展,家人因小沙特陶醉在寫作遊戲中,樂此不疲,因而感到興奮無比,開始想像他具有寫作天份,將來必定會成為偉大的作家。但是他的外公對此有所保留,既不鼓勵也不明白反對,只以嚴正而理性的態度告誡他夢想與現實之間會有的差距,要早作心理準備;而言下之意,卻也正是在強調這是物質與精神的拉拒戰,以作家為職志的決定是多麼神聖的使命感,含有多麼重大的意義!換言之,祖父似乎深知對小孩期望過多只會遭來挫折、反抗及叛逆,所以寧可假裝冷眼旁觀,而小沙特則猶豫著...。從作者回顧的眼光來看,彷彿就是在這種曖昧的氣氛當中讓他錯誤研判、「誤入歧途」,走上了作家的路。
沙特呈現的幼時自身形象,是個用「我」自述的人格分裂者,時而充滿自省自覺,時而又像個作家筆下的小傀儡。有時,小沙特與家人之間是在互相捉摸與唱和,每日都在家庭劇場中共同上演一齣人生的喜(閙?)劇,尤其小沙特似乎知道自己身為家中的「寵兒」,也很有合作默契地扮演著這個角色;但有時,又像是此處這個被「作家」角色迷惑的可憐蟲,卻終究掩不住一股不真實感,活在自欺欺人中的感覺(imposture是這本書的關鍵字之一)久久籠罩在心頭,是年老的作者終要甩脫的。
總之,這本關於習字經驗的名著,絕非一般凡俗而只有簡化道德觀的「勵志文學」所能比擬,而是相反的,充滿了關於文化教養之工具目的性及虛榮心的辯證。讀者必須在一路緊跟著沙特的明快節奏風的同時,冷靜細思其自我批判的真正用意。哈布馬斯認為從求知獲得的解放應達成三項目標:首先,是要了解個人或群體的主體如何在意識型態上受到扭曲;其次,是探索造成這種扭曲情境的勢力來源;最後,是去證明只要受迫的個人或群體能意識到這些勢力的存在,便有機會克服或推翻其壓迫。《詞語》或許可視為這樣一個漫長解放歷程所達致的醒覺成果:小沙特所默默承受的,老沙特已代為領悟!
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